07.03.2021
Impôts de sociétés
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En 2019, la France a annoncé l’instauration d’une taxe sur le numérique de 3% applicable aux grandes multinationales du secteur des technologies.

Cette décision de la France a influencé plusieurs autres pays, comme l’Australie, à créer une taxe semblable dans le but d’affronter ces géants du Web qui profitent de législations fiscales dépassées. Le Canada s’est également joint de la partie en 2020 avec l’annonce d’une taxe sur le numérique dès 2022.

Ces nouvelles réglementations ont bouleversé certaines relations entre gouvernements et géants du Web. L’OCDE est donc entrée en jeu pour tenter d’élaborer un consensus sur des règles fiscales internationales sur le numérique.

Mais quels sont les principaux enjeux de la fiscalité du numérique ? Comment sont perçus ces défis fiscaux à l’internationale, mais aussi au Canada ? Voyez-le dans les prochaines lignes.

Les enjeux de la fiscalité du numérique soulevés par l’OCDE

L’importance grandissante du numérique dans l’économie internationale pose bien des défis au niveau de la fiscalité partout dans le monde.

Les dirigeants s’inquiétant de plus en plus des conséquences des règles désuètes actuelles, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a entrepris des consultations mondiales auprès des pays du G20.

Le but de ces consultations est de trouver une solution à long terme aux défis fiscaux posés par l’économie numérique en négociant de nouvelles règles fiscales internationales.

En 2019, l’OCDE a élaboré une approche à deux piliers qui semble constituer une bonne base pour un futur accord, même si les discussions ont été ralenties par la pandémie de COVID-19.

Voici un aperçu des deux piliers qui constitue la base des négociations.

Pilier Un : Règles du lien et modifications de la répartition des droits d’imposition

Le Pilier Un du plan de l’OCDE proposerait de nouvelles règles de lien (appelées «nexus » en anglais). En d’autres mots, ces règles serviraient à déterminer le lieu le lieu où l’impôt devrait être payé.

Ce pilier servirait également à apporter d’importantes modifications à la façon de répartir les droits d’imposition entre les pays.

Ces mesures ont pour objectif de s’assurer que les grands joueurs du monde numérique, notamment les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), paient leurs impôts d’entreprise là où ils exercent d’importantes activités commerciales. Cela s’appliquerait même aux entreprises qui n’ont pas de présence physique dans l’un de ces lieux.

Pilier Deux : Traiter les problématiques en matière d’érosion de la base d’imposition

Le Pilier Deux du projet vise à mettre en place un nouvel impôt minimum mondial. Celui-ci servirait à aider les pays à traiter les problématiques non résolues en matière d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices par les entreprises multinationales.

Quels pourraient être les impacts de l’imposition de l’économie numérique au Canada?

À la fin de 2020, le gouvernement fédéral du Canada a annoncé son intention de taxer les grandes entreprises du numérique à hauteur de 3% dès le 1er janvier 2022. Cette nouvelle imposition ferait en sorte que ces géants de la technologie paieraient la même taxe de vente que les autres sociétés canadiennes.

Cette nouvelle taxation serait en vigueur jusqu’à ce que l’OCDE rejoigne un consensus sur les nouvelles règles internationales concernant l’imposition du numérique.

Mais cette décision a suscité certains débats concernant les conséquences de la taxation de ces grandes entreprises.

Voici quelques-uns des points qui ont été soulevés par rapport à l’imposition de l’économie numérique au Canada.

Une fiscalité plus juste pour les entreprises canadiennes?

La principale raison qui a poussé Ottawa à créer sa propre taxe sur le numérique est que pour l’instant, les multinationales du tech étrangères sont exemptées des lois fiscales en vigueur.

En effet, ces réglementations permettent aux GAFAM de ne pas percevoir la taxe sur les produits et services ni la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH). Cela a donc un impact direct sur le consommateur, qui doit inévitablement verser lui-même la taxe de vente.

En instaurant ces nouvelles législations, le gouvernement prévoit augmenter ses recettes fédérales d’environ 3,4 milliards CAD en 5 ans. Cette taxe ne s’appliquerait qu’aux grandes entreprises du numérique et servirait plutôt à rétablir une certaine équité fiscale pour les entreprises canadiennes.

Toutefois, le Nouveau Parti démocratique s’est indigné devant ces prévisions : « Ils prévoient recueillir un maigre 3,4 milliards sur cinq ans! Ce n’est clairement pas comme le 15% [du taux d’imposition] des autres compagnies. » Selon eux, cette taxation ne serait pas suffisante pour rétablir un juste équilibre fiscal.

Les pièges à éviter de la taxe sur le numérique

Certains experts de l’économie soutiennent plutôt qu’une taxe sur le numérique pourrait avoir d’importantes répercussions sur l’économie du pays.

En analysant l’exemple français de la taxe sur le numérique, des économistes auraient conclu qu’une telle imposition pourrait nuire aux consommateurs et aux entreprises canadiennes.

Selon eux, la taxe sur le numérique pourrait avoir pour effet de diminuer la profitabilité des entreprises. Cela pourrait avoir pour conséquence de revoir les prévisions de recettes gouvernementales à la baisse, comme cela a été le cas pour la France.

Ils soutiennent aussi que cette nouvelle fiscalité pourrait ralentir le développement des activités des plus petites entreprises du numérique, ce qui aurait inévitablement un impact sur l’économie canadienne en général.

C’est d’ailleurs une raison de plus pour les GAFAM de s’imposer et pour décourager les petites entreprises d’entrer en jeu.

Fiscalité du numérique : une conversation qui mérite d’être entendue

Les enjeux entourant la fiscalité du numérique sont nombreux et complexes. Le monde du numérique ne cesse de changer et a évolué plus rapidement que jamais durant la pandémie de COVID-19.

Bien que les discussions de l’OCDE sur les règles de taxation numérique aient été repoussées, il est primordial que l’organisation prenne le temps adéquat pour trouver la meilleure solution à ce problème dans notre économie actuelle.

Et vous, que pensez-vous de l’ajout d’une taxe sur le numérique au Canada ?

Pour plus d’informations sur la fiscalité des entreprises au Canada, consultez la section « Impôt de sociétés » du blogue de T2inc.

Frédéric Roy-Gobeil

CPA M.Fisc

Président de T2inc.ca et entrepreneur dans l’âme, j’ai créé de nombreuses start-ups comme Delve Labs et T2inc.ca. Ancien fiscaliste chez Ernst & Young, je suis aussi membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés CPA et diplômé d’une maitrise en fiscalité à l’université de Sherbrooke. Passionné par le monde entrepreneurial et par le mindset de croissance, je suis auteur de nombreux articles et contenus vidéos sur l’industrie et le monde des affaires, tout comme sur la comptabilité, la fiscalité, les états financiers et l’indépendance financière.

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