Que faut-il savoir sur le principe d’intégration fiscale au Canada?

Imaginez que votre société paie de l’impôt sur ses bénéfices, puis vous en redistribue une partie sous forme de dividendes. Jusque-là, rien d’inhabituel… jusqu’au moment où vous découvrez que vous devez également payer de l’impôt personnel sur ces mêmes dividendes. Résultat : un même revenu est imposé deux fois. C’est ce qu’on appelle la double imposition.
Pour atténuer ce déséquilibre, le système fiscal canadien a prévu un mécanisme appelé régime d’intégration fiscale. L’idée? Faire en sorte que la charge fiscale combinée, entre la société et le particulier, ne dépasse pas celle qu’un particulier aurait payée s’il avait gagné ce revenu directement, sans passer par une société.
Mais est-ce que cette équité est vraiment atteinte dans la réalité? Comment cette règle fiscale influence-t-elle vos choix de rémunération ou vos stratégies de gestion? Dans cet article, on démystifie le fonctionnement de l’intégration fiscale entre sociétés et particuliers, ses avantages, ses limites, ainsi que son impact réel sur votre revenu après impôt.
Le principe d’intégration fiscale expliqué simplement
Le principe d’intégration fiscale repose sur une idée fondamentale : éviter qu’un même revenu soit imposé deux fois lorsqu’il transite par une société. Plus précisément, il vise à équilibrer la charge fiscale totale lorsqu’un particulier reçoit un dividende provenant des bénéfices d’une société.
Pourquoi parle-t-on de double imposition?
Prenons un exemple concret. Votre société génère des bénéfices et doit produire sa déclaration de revenus des sociétés et payer l'impôt. Puis, elle décide de vous verser une partie de ces profits sous forme de dividendes imposables. Une fois ces dividendes reçus, vous devez les déclarer dans votre déclaration personnelle, ce qui entraîne un second impôt… Cette double imposition peut représenter un frein important à une rémunération efficace.
Quel est le rôle de l’intégration fiscale?
Pour rétablir l’équilibre, le régime d’intégration fiscale ajuste l’imposition du particulier lorsqu’il reçoit des dividendes imposables. Deux outils sont utilisés :
- Une majoration du revenu de dividende dans la déclaration, pour tenir compte des bénéfices avant impôt,
- Un crédit d’impôt pour dividendes qui vient réduire l’impôt dû par le particulier.
Ces mécanismes visent à rapprocher l’impôt total (société + particulier) de celui qu’un particulier aurait payé en recevant directement le revenu. En théorie, cela permet d’éviter une surimposition. Mais en pratique, le résultat varie. L’efficacité de l’intégration dépend :
- Du type de dividende (déterminé ou non déterminé),
- De la province de résidence,
- Et du profil fiscal du particulier.
C’est pourquoi il est essentiel de bien comprendre les conditions d’application du régime d'intégration fiscal, surtout si vous êtes dirigeant d’une société privée sous contrôle canadien ou si vous utilisez une structure corporative plus complexe.
Comment fonctionne l’imposition des dividendes au Canada?
Pour bien comprendre le principe d’intégration fiscale au Canada, il faut d’abord décortiquer le parcours fiscal d’un dividende, depuis sa création dans une société jusqu’à son imposition chez l'actionnaire.
Étape 1 : L’impôt sur les bénéfices au niveau de la société
Tout commence lorsque la société génère des bénéfices. Ces bénéfices sont soumis à l’impôt sur les sociétés, selon le régime en vigueur :
- Taux réduit pour les PME admissibles à la déduction pour petite entreprise (ex. : 12,2 % combiné au Québec en 2025),
- Taux général pour les revenus non admissibles ou excédentaires (ex. : 26,5 % combiné).
Ce qui reste après impôt constitue les bénéfices nets distribuables.
Étape 2 : Le versement du dividende au particulier
La société peut ensuite verser une partie de ces bénéfices à ses actionnaires sous forme de dividendes. On distingue deux grands types avec les dividendes déterminés et non déterminés :
- Dividendes déterminés : issus de bénéfices imposés au taux général,
- Dividendes non déterminés : issus de revenus imposés au taux réduit.
Ces dividendes sont déclarés au palier personnel… mais pas tels quels.
Étape 3 : Majorations et crédit d’impôt pour dividendes
Afin de refléter l’impôt déjà payé par la société, les dividendes sont majorés dans la déclaration du particulier :
- +38 % pour les dividendes déterminés,
- +15 % pour les non déterminés (taux 2025 au Québec).
Cette majoration permet ensuite d’appliquer un crédit d’impôt pour dividendes, à la fois fédéral et provincial, qui réduit l’impôt à payer.
Le coefficient d’intégration fiscale : définition et calcul
Le coefficient d’intégration fiscale est un indicateur utilisé pour mesurer dans quelle mesure le système fiscal réussit à neutraliser la double imposition des dividendes. En d'autres mots, il permet de vérifier si l'intégration fiscale est parfaite, partielle ou déficiente.
Définition du coefficient d’intégration fiscale
Le coefficient compare deux situations :
- Le total des impôts payés sur un revenu qui passe par une société avant d’être versé sous forme de dividende.
- L’impôt qui aurait été payé si ce même revenu avait été gagné directement par un particulier.
Si le coefficient est proche de 100 %, cela signifie que l'intégration fiscale est réussie : l'impôt total payé est équivalent, peu importe que le revenu ait transité par une société ou non.
Exemple de calcul pour une PME admissible au Québec
Prenons une société admissible au taux réduit d’imposition, qui réalise un bénéfice net de 100 000 $. Elle paie 12 200 $ d’impôt sur les sociétés (au taux de 12,2 %) et distribue le reste, soit 87 800 $, à son actionnaire sous forme de dividendes non déterminés.
Dans sa déclaration de revenus, cet actionnaire devra majorer ce montant de 15 %, ce qui porte son revenu imposable à 100 970 $. Sur ce revenu majoré, il paiera environ 25 242 $ d’impôt personnel. Heureusement, il pourra bénéficier d’un crédit d’impôt pour dividendes estimé à 9 000 $, réduisant ainsi son impôt net à 16 242 $.
Finalement, l’impôt total payé sur ces bénéfices, à la fois par la société et le particulier, s’élève à :
12 200 $ (société) + 16 242 $ (particulier) = 28 442 $
À titre de comparaison, si ce revenu de 100 000 $ avait été gagné directement par le particulier et imposé à un taux personnel de 30 %, il aurait payé 30 000 $ d’impôt. On calcule donc un coefficient d’intégration fiscale de 94,8 % (soit 28 442 ÷ 30 000), ce qui indique une intégration presque parfaite, mais pas complète.
Limites et conditions du principe d’intégration fiscale
Bien que le système fiscal canadien vise à neutraliser la double imposition grâce à l’intégration fiscale, cette neutralité est théorique et variable en pratique. Plusieurs conditions, limites et distorsions peuvent affecter l’efficacité réelle du mécanisme.
L’intégration fiscale n’est pas toujours parfaite
Plusieurs facteurs peuvent faire en sorte que l’impôt total payé par un particulier qui reçoit des dividendes soit supérieur ou inférieur à celui d’un revenu gagné directement. Ces écarts proviennent notamment de :
- L’évolution non synchronisée des taux d’imposition fédéraux et provinciaux (tant au niveau des sociétés que des particuliers) ;
- La nature du dividende (déterminé vs non déterminé) ;
- Le revenu imposable du particulier, qui influence le taux marginal d’imposition ;
- La province de résidence, puisque les crédits d’impôt pour dividendes varient d’une province à l’autre.
Ces divergences peuvent entraîner une sous-intégration (plus d'impôts payés) ou une sur intégration (moins d'impôts payés), ce qui a une incidence sur votre revenu après impôt et sur votre stratégie globale de planification fiscale.
Conditions fiscales particulières à considérer
Certaines situations rendent l’intégration fiscale moins efficace ou même inopérante :
- Si la société génère des revenus passifs (intérêts, loyers, dividendes d’une autre société), ces revenus sont souvent exclus du régime d’intégration optimale.
- Dans le cas d’une société mère recevant des dividendes intersociétés, des règles spécifiques s’appliquent, notamment en matière de déductions de dividendes reçus.
- Lorsque les dividendes sont versés à une fiducie ou à un actionnaire non résident, le mécanisme d’intégration peut être partiel ou nul.
- Certains types de revenus peuvent entraîner des refus ou des ajustements des crédits d’impôt (ex. : revenus non admissibles à la DPE, surplus de capital).
Compte tenu de ces exceptions, les dirigeants d’entreprise ne devraient jamais présumer que l’intégration fiscale s’applique automatiquement. Une planification rigoureuse demeure essentielle pour éviter les mauvaises surprises et tirer pleinement parti des mécanismes en place.
Quels sont les avantages de l'intégration fiscale pour une PME?
Pour une PME incorporée, l’intégration fiscale n’est pas qu’un concept technique : c’est un véritable levier de planification fiscale permettant de réduire l'impôt. En comprenant ses mécanismes, vous pouvez prendre des décisions plus éclairées sur la manière de vous rémunérer, de redistribuer les profits ou de structurer vos activités entre sociétés.
Optimiser la rémunération du dirigeant
Le choix entre salaire et dividendes est une question récurrente pour les entrepreneurs. Grâce au régime d’intégration fiscale, les dividendes imposables ne sont pas désavantagés, car une grande partie de la double imposition est neutralisée. Cela permet notamment :
- Réduire certaines charges sociales,
- Ajuster leur revenu selon les besoins de liquidité personnelle,
- Maximiser leur revenu net après impôts.
Centraliser les bénéfices dans une société mère
Dans une structure avec une société mère ou plusieurs filiales, l’intégration fiscale permet de verser des dividendes déterminés ou libres d’impôt entre sociétés, souvent sans incidence fiscale immédiate. Cela offre :
- Une meilleure gestion des excédents de trésorerie,
- Une souplesse dans la répartition des revenus,
- Et une capacité à réinvestir plus efficacement.
Une plus grande flexibilité pour structurer la croissance
En comprenant comment les dividendes versés sont imposés selon le type de revenus, vous pouvez mieux structurer votre stratégie fiscale :
- Planifier vos versements au bon moment,
- Anticiper les effets provinciaux,
- Et tirer profit des avantages liés au régime d’intégration, en lien avec votre réalité d’affaires.
Bref, l’intégration fiscale permet non seulement de limiter cet impôt additionnel souvent méconnu, mais aussi de faire des choix structurants, adaptés à la nature de vos revenus et à vos projets d’expansion.
Un principe essentiel à intégrer dans votre stratégie fiscale
Le principe d’intégration fiscale est un pilier du système fiscal canadien, conçu pour rétablir une forme d’équité entre l’imposition des revenus d’entreprise et ceux des particuliers. S’il vise à neutraliser la double imposition des dividendes, il n’en reste pas moins complexe, variable selon les situations, et parfois imparfait.
Comme nous l’avons vu à travers notre exemple chiffré et notre cas pratique, l’intégration fiscale peut jouer un rôle déterminant dans vos décisions de rémunération, de répartition des bénéfices ou encore de structure corporative (notamment avec une société mère ou une société de gestion).
Que vous soyez en phase de croissance, en réflexion sur le calcul de votre rémunération ou que vous souhaitiez optimiser vos impôts personnels et corporatifs, il est essentiel de comprendre les impacts concrets de ce mécanisme.
Chez T2inc.ca, nous aidons les PME avec ces enjeux complexes grâce à des solutions pour les sociétés incorporées et à un réseau de partenaires de confiance. Vous souhaitez aller plus loin? Nous pouvons vous mettre en relation avec un expert qui saura vous accompagner selon la réalité de votre structure et vos objectifs d’affaires.
- Le principe d’intégration fiscale expliqué simplement
- Comment fonctionne l’imposition des dividendes au Canada?
- Le coefficient d’intégration fiscale : définition et calcul
- Limites et conditions du principe d’intégration fiscale
- Quels sont les avantages de l'intégration fiscale pour une PME?
- Un principe essentiel à intégrer dans votre stratégie fiscale
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