Entreprise de prestation de services personnels (EPSP) : définition, règles ARC/Revenu Québec et impacts fiscaux

Entreprise de prestation de services personnels (EPSP)

Vous vous êtes constitué en société pour facturer vos services? Vous travaillez surtout pour un seul client, sur ses horaires et avec ses outils?

Dans ce cas, votre société pourrait être considérée par l'Agence du revenu du Canada (ARC) comme une entreprise de prestation de services personnels (EPSP). Ce statut fiscal est essentiel à comprendre, car il peut avoir des conséquences importantes sur l'impôt sur le revenu de votre société et vos déductions.

Beaucoup d'entrepreneurs découvrent trop tard qu'ils ont été requalifiés par l'ARC. Pourtant, quelques ajustements simples, et une bonne compréhension de ce statut, permettent souvent d'éviter ces mauvaises surprises.

Dans les lignes qui suivent, les comptables fiscalistes de T2inc.ca vous expliquent ce qu'est une entreprise de prestation de services personnels, comment ce statut est déterminé par l'ARC et Revenu Québec, et surtout comment rester conforme tout en protégeant vos avantages fiscaux.

Qu'est-ce qu'une entreprise de prestation de services personnels (EPSP) : définition et fondement fiscal

La définition d'une entreprise de prestation de services personnels (EPSP), selon l'Agence du revenu du Canada (ARC), est simple. Il s'agit d'une société incorporée qui fournit les services d'un actionnaire qui, sans passer par elle, serait considéré comme un employé de l'entreprise cliente (également appelé le payeur).

Autrement dit, il s'agit d'un employé incorporé qui exerce son travail par l'intermédiaire de sa société plutôt qu'à titre individuel. Cette distinction est importante, car une EPSP :

Bien comprendre cette définition vous aide à éviter les mauvaises surprises fiscales et à structurer votre entreprise de manière plus stratégique.

Quelle est la différence entre une entreprise de services personnels (ESP) au Québec et l'EPSP au fédéral?

Au Québec, une entreprise de prestation de services personnels (EPSP) est désignée sous le terme entreprise de services personnels (ESP). Même si les termes diffèrent, le principe fiscal reste identique. Cette reconnaissance est prévue par la Loi sur les impôts du Québec et détaillée dans les mesures particulières publiées par Revenu Québec.

Lorsqu'une société agit comme un employé incorporé plutôt que comme un prestataire de services autonome, elle perd plusieurs avantages fiscaux :

En résumé, cette règle vise à éviter qu'une entreprise s'incorpore uniquement pour réduire son fardeau fiscal, sans assumer les risques ni la responsabilité d'une véritable activité entrepreneuriale.

Note : au fédéral, on parle de DAPE (déduction accordée aux petites entreprises) et au Québec, de DPE.

Les critères utilisés par l'Agence du Revenu du Canada pour déterminer si vous exploitez une EPSP

L'ARC ne classe pas une société comme entreprise de prestation de services personnels au hasard. Elle évalue cinq éléments clés : le contrôle exercé par le client, la propriété des outils, le risque financier, le niveau d'intégration dans l'entreprise du payeur et la réalité des faits par rapport au contrat.

L'objectif est de déterminer si la personne qui effectue le travail agit comme un travailleur indépendant ou comme un employé incorporé. C'est donc la nature réelle de la relation de travail entre les deux parties, et non la structure juridique, qui fait foi.

Voici les principaux critères utilisés pour qualifier une EPSP au Canada.

1. Le contrôle : qui décide des tâches, des horaires et de la méthode de travail?

C'est souvent le critère le plus déterminant. L'ARC analyse le degré de contrôle exercé par le client (le payeur) sur la façon dont le travail est effectué.

Elle observe notamment :

  • Qui détermine les tâches à accomplir et la manière de les exécuter?
  • Qui fixe les horaires et le lieu de travail?
  • Le prestataire peut-il déléguer ou engager un assistant?
  • Doit-il suivre des processus internes (approbations, supervision, qualité)?
  • Reçoit-il des directives ou une formation semblable à celle d'un employé?

En général, un travailleur autonome choisit librement quand et comment il travaille. Plus le client impose ses méthodes et ses horaires, plus le risque de requalification en EPSP augmente.

2. Les outils : qui fournit les équipements et les ressources nécessaires?

L'ARC vérifie aussi qui détient et utilise le matériel de travail. Si le client fournit tout (ordinateur, logiciels, véhicule, bureau ou outils), cela peut indiquer une relation d'employé-employeur.

Un prestataire autonome possède ou loue ses propres équipements qu'il peut amortir grâce à la déduction pour amortissement (DPA), paie ses dépenses et choisit ses ressources. Cela démontre une indépendance réelle dans la prestation de services.

Chez T2inc.ca, notre conseil est de conserver vos factures d'achat (outils, logiciels, assurances) : elles démontrent que vous exercez vos activités de façon indépendante.

3. Le risque financier : l'entrepreneur peut-il faire un profit ou subir une perte réelle?

L'ARC cherche à savoir si le travailleur assume un véritable risque d'affaires. Un entrepreneur autonome peut réaliser un profit, mais aussi encaisser une perte si ses dépenses dépassent ses revenus.

Elle évalue notamment :

  • Le travailleur investit-il dans son entreprise (outils, publicité, assurances)?
  • Assume-t-il des frais d'exploitation, même sans revenu?
  • Peut-il négocier ses tarifs ou refuser des contrats?
  • Est-il payé à la tâche, au projet ou à l'heure, sans garantie de revenu?

Un employé incorporé est souvent payé à taux fixe et n'assume aucun risque. L'absence de risque financier réel renforce donc la probabilité que la société soit considérée comme une EPSP.

4. L'intégration : le travailleur fait-il partie de la structure interne du client?

Ce critère vise à déterminer le niveau d'intégration du travailleur dans l'entreprise du client.
L'ARC cherche à savoir si la société de services agit comme un sous-traitant externe ou comme un membre à part entière de l'équipe.

Quelques signaux d'intégration forte :

  • Le travailleur participe-t-il aux réunions internes?
  • Utilise-t-il l'adresse courriel ou les systèmes informatiques du client?
  • Occupe-t-il un rôle semblable à celui d'un employé régulier?

Ce facteur, combiné aux autres, peut indiquer qu'une société agit davantage comme une société de services personnels que comme une entreprise indépendante.

5. L'intention et la réalité : le contrat reflète-t-il la vraie nature du mandat?

Un contrat écrit a du poids, mais l'ARC juge avant tout les faits. Même si votre contrat indique que vous êtes un travailleur autonome, la manière dont vous exercez vos fonctions peut révéler une réalité différente.

Concrètement, l'ARC examine :

  • La durée et la régularité du mandat ;
  • Le degré de dépendance financière envers le client ;
  • Les modalités de supervision et de reddition de comptes.

En clair, le contrat ne suffit pas s'il ne correspond pas à la réalité. Assurez-vous que vos ententes reflètent fidèlement votre autonomie : horaires flexibles, équipement personnel, tarification libre, etc.

Conséquences fiscales d'une requalification en entreprise de prestation de services personnels

Une société requalifiée en EPSP perd la déduction pour petites entreprises (DPE/DAPE), est imposée au taux général combiné fédéral-provincial (souvent plus de 44 %), et voit ses dépenses déductibles sévèrement restreintes. Cela peut entraîner un fardeau fiscal nettement plus élevé.

Perte de la déduction pour petites entreprises (DPE/DAPE)

C'est la première conséquence majeure. Une société reconnue comme EPSP perd l'accès à la déduction pour petites entreprises (DPE/DAPE), qui permet normalement de bénéficier d'un taux réduit sur le revenu d'entreprise actif.

Sans cette déduction, le revenu imposable est assujetti au taux général des sociétés, beaucoup plus élevé.

Application du taux d'imposition général

En cas de requalification, votre entreprise se voit imposée au taux général combiné fédéral-provincial, qui varie selon la province.

Une EPSP est imposée au taux fédéral de 33 % (incluant un impôt additionnel de 5 %) auquel s'ajoute le taux provincial général. En 2025, cela représente environ 44,5 % au Québec et en Ontario, et jusqu'à 48 % dans certaines provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard.

Déductions d'entreprise fortement restreintes

Les sociétés considérées comme EPSP ne peuvent plus déduire la majorité de leurs dépenses d'exploitation. Seules quelques déductions limitées demeurent permises, notamment :

  • Les salaires et avantages versés à l'actionnaire-employé ;
  • Certaines dépenses directement liées à la prestation de services ;
  • Les cotisations sociales obligatoires (p. ex. : RPC/RRQ, assurance-emploi, etc.).

En revanche, les frais de déplacement, de télécommunication, de publicité ou de bureau à domicile deviennent non déductibles.

Moins de flexibilité dans la planification fiscale

Une EPSP perd plusieurs leviers de planification fiscale. Elle ne peut plus fractionner les revenus entre les membres de la famille, accumuler des profits en société, ni reporter certaines pertes.

En d'autres mots, la structure incorporée ne procure plus les avantages fiscaux normalement associés à une société.

Risque de pénalités et d'intérêts

En cas de vérification, l'ARC peut appliquer la requalification rétroactivement sur plusieurs années. Cela entraîne le recalcul de l'impôt dû, plus les intérêts et pénalités correspondants.

Une telle situation peut rapidement devenir coûteuse pour un entrepreneur qui n'avait pas anticipé cette éventualité.

Exemple comparatif : société admissible à la DPE vs les entreprises de prestation de services personnels

ÉlémentSociété admissible à la DPE/DAPEEntreprise de prestation de services personnels (EPSP)
Déduction pour petites entreprises✅ Oui❌ Non
Taux d'imposition combiné (QC/ON)≈ 12,2 %≈ 44–45 %
Dépenses d'exploitationComplètesTrès limitées
Fractionnement du revenuPossibleNon permis pour une EPSP
Report des pertesPossibleNon admissible

Les taux d'imposition combinés varient selon la province. Consultez toujours les taux mis à jour pour chaque exercice fiscal.

Si vous avez des doutes sur votre statut, consultez un CPA ou un fiscaliste avant de produire votre déclaration de revenus des sociétés. Un diagnostic fiscal préventif vous évitera des corrections coûteuses et vous aidera à mieux comprendre vos obligations fiscales.

Fiscalité et EPSP : quelles sont vos obligations?

Une société requalifiée en EPSP doit continuer à respecter les mêmes obligations fiscales qu'une société ordinaire, avec certaines particularités.

Côté société

  • Produire une déclaration T2 (et CO-17 au Québec, si applicable) chaque année ;
  • Ouvrir un compte de paie et effectuer les retenues à la source sur les salaires versés à l'actionnaire ;
  • Vérifier si une inscription à la TPS/TVH est requise lorsque les revenus dépassent 30 000 $.

Côté payeur

  • Émettre un feuillet T4A pour les honoraires payés à la société, si exigé par l'ARC ;
  • Conserver les contrats et preuves de relation d'affaires, en cas de vérification.

Comment éviter la requalification en EPSP par l'ARC

Quelques mesures simples permettent souvent de démontrer que votre société agit bien comme une entreprise indépendante.

Voici les bonnes pratiques à adopter pour réduire ce risque :

1. Diversifiez vos clients et vos sources de revenus

Travailler pour un seul client à temps plein ressemble à une relation d'emploi. Élargissez votre portefeuille : vous pourriez être considéré comme exploitant une entreprise indépendante lorsque les revenus proviennent de plusieurs mandats.

Cette diversification est un signe clair d'autonomie.

2. Utilisez vos propres outils et équipements

Posséder ou louer votre matériel (ordinateurs, logiciels, assurances, véhicules) renforce le statut de travailleur indépendant.

Évitez de dépendre exclusivement des ressources fournies par le client.

3. Conservez le contrôle de votre travail

Un véritable entrepreneur choisit la façon, le moment et le lieu d'exécution. Formulez vos contrats pour livrer un résultat, pas pour effectuer le travail sous supervision directe. Cela renforce votre statut d'entrepreneur autonome.

4. Rédigez des contrats clairs et cohérents

Votre contrat doit refléter la réalité de votre travail et éviter les ambiguïtés. Mentionnez vos droits, vos responsabilités, votre liberté d'organisation et votre pouvoir de déléguer.

En cas de vérification, ce document fera foi.

5. Versez-vous un salaire réel et documentez vos opérations

Les entreprises de prestation de services personnels ne peuvent déduire que certaines dépenses, notamment les salaires versés à l'actionnaire. Verser un salaire régulier, avec paie et retenues à la source, prouve le respect des règles fiscales applicables.

Gardez vos preuves : paies, factures, contrats, registres comptables, etc.

Études de cas illustratives

Dans la pratique, il n'est pas toujours évident de savoir si l'on agit vraiment comme un entrepreneur indépendant ou comme un employé incorporé. La frontière est souvent plus fine qu'on le croit.

Consciente de cette réalité, l'ARC a lancé un projet pilote de sensibilisation et de conformité décrit sur Canada.ca visant particulièrement les secteurs à risque (transport, construction, services professionnels).

Voici trois scénarios typiques rencontrés sur le terrain. Si vous vous reconnaissez dans l'un d'eux, il serait prudent d'en discuter avec un CPA ou un fiscaliste avant la prochaine saison fiscale.

1. Consultant TI : mandat exclusif, supervision et horaires imposés

Un consultant en technologies de l'information s'est incorporé pour offrir ses services à une seule entreprise. Il travaille à temps plein, suit les horaires des employés et utilise les outils informatiques fournis par son client.

➡️ Résultat : l'ARC considère qu'il agit comme un employé incorporé. Sa société est requalifiée en entreprise de prestation de services personnels (EPSP). Il perd la DPE/DAPE et doit payer un impôt plus élevé sur ses revenus.

2. Chauffeur-livreur : intégration complète et absence de risque financier

Un chauffeur-livreur opère sous sa société incorporée, mais conduit le camion du donneur d'ouvrage, porte son uniforme et respecte ses itinéraires et horaires. Il n'assume aucune dépense d'exploitation ni risque financier réel.

➡️ Résultat : requalification fréquente en EPSP, car il agit comme un employé à part entière plutôt qu'un entrepreneur autonome.

3. Sous-traitant en construction : équipement fourni et dépendance à un seul client

Un entrepreneur en construction signe des contrats uniquement avec un grand promoteur. Il utilise le matériel, l'entrepôt et les outils fournis par ce dernier, et doit suivre les directives des contremaîtres.

➡️ Résultat : fort risque d'être considéré comme une entreprise de prestation de services personnels, puisque son autonomie est limitée et qu'il dépend économiquement d'un seul client.

Demander l'avis d'un fiscaliste sur votre statut d'entreprise de prestation de services personnels (EPSP)

Le statut d'entreprise de prestation de services personnels (EPSP) peut transformer la fiscalité de votre société et la façon dont elle est imposée. Il influence directement votre taux d'imposition, votre admissibilité à la DPE/DAPE et vos dépenses déductibles.

Savoir reconnaître les signes d'une possible requalification vous permet d'agir avant qu'il ne soit trop tard. Une structure bien pensée, des contrats clairs et une gestion autonome font toute la différence aux yeux de l'ARC et de Revenu Québec.

Si vous avez le moindre doute sur votre situation, consultez un avocat spécialisé ou un fiscaliste avant l'incorporation de votre société. Un regard professionnel peut confirmer si votre société répond bien aux critères d'une entreprise indépendante et vous aider à optimiser votre fiscalité en toute conformité.

Frédéric Roy-Gobeil
Comptable fiscaliste, M.Fisc et CPA
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Frédéric Roy-Gobeil est comptable professionnel agréé (CPA) et fiscaliste, diplômé de l’Université de Sherbrooke. Entrepreneur dans l'âme, il fonde T2inc.ca, une plateforme en ligne spécialisée en gestion fiscale et comptable pour les PME incorporées au Canada. Avec plus de 10 ans d'expérience en fiscalité des entreprises, Frédéric met son expertise au service des entrepreneurs pour simplifier leurs obligations fiscales grâce à des solutions innovantes, accessibles et parfaitement adaptées à leurs réalités d’affaires.

Son ambition est claire : permettre aux dirigeants de PME de se concentrer sur leur croissance en éliminant les tracas liés aux déclarations fiscales et à la comptabilité d'entreprise. Auteur et créateur de contenu, il partage régulièrement son savoir à travers des articles et des vidéos sur la fiscalité, la comptabilité et l’indépendance financière. Son objectif : aider les entrepreneurs à mieux comprendre leurs obligations fiscales et à maximiser la rentabilité de leur entreprise.

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